Description
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et bien devenue un laboratoire à ciel ouvert. Un laboratoire où les chercheurs de tous bords convergent pour effectuer leurs études, notamment en matière des sciences humaines et sociales, et ce au bénéfice des mouvements sociaux qu’a connu le pays durant, et après, ce qu’il a été convenu de baptiser « la révolution du jasmin ».
C’est ainsi que plusieurs groupes d’études se sont intéressés à ces phénomènes sociaux qui ont émaillé les évènements de la révolution tunisienne, pour essayer de comprendre et disséquer les tenants et aboutissants de certains faits de société qui ont émergé à cette occasion.
Parmi ces groupes, le « Spring Arabe », un programme européen de recherches en sciences humaines, composé de chercheurs européens et maghrébins qui se sont unis aux chercheurs tunisiens pour profiter avec eux de leur expérience unique de par leur présence sur le terrain, au moment des faits, et leurs constatations en temps réel des changements sociaux opérés au cours de la révolution de janvier 2011.
Parmi les membres tunisiens de ce groupe, Donia Remili l’enseignante et chercheure en psychologie sociale, a retenu l’intérêt quasi général par ses études qui se sont intéressées au suicide par auto immolation chez les chômeurs tunisiens. Cet intérêt s’est traduit par la publication il y a quelques jours de son ouvrage portant le même intitulé, sponsorisé, entre autres, par le programme européen « Spring arabe ».
La rédaction de Tunisie Numérique a eu le privilège de s’entretenir avec Mme Donia Remili, pour discuter avec elle de ce phénomène du suicide qui ne cesse de prendre de l’ampleur en Tunisie.
T.N. : Pourquoi cet intérêt au sujet du suicide et quel lien avec le chômage en Tunisie ?
D.R. : Le suicide, un acte, d’habitude de désespoir et de solitude, s’est transformé en Tunisie en emblème, avec le geste de Mohamed Bouazizi, puis en mythe avec sa répétition fréquente, même au-delà des frontières du pays, pour se muer, par la suite, en phénomène de société, puis en fléau qu’il devient difficile de contenir. Cette évolution, avec le rythme effréné que çà a connu, et ce malgré les interdits et les freins sociaux dont dispose notre société arabo-musulmane qui bannit ces gestes de désespoir, et surtout le moyen choisi par ces nombreux malheureux, qu’est le feu, avec ce que çà implique comme souffrance et ce que çà signifie comme symbolique, de même que les lieux, généralement publics et à grande affluence qu’ils ont choisi pour le perpétrer, nous a fait nous pencher sur le sujet, pour le décortiquer, pour en connaitre les soubassements, mais aussi pour tenter d’identifier la ou les solutions les plus adaptées pour le prévenir, ou du moins, le dépister, c’est-à-dire, dépister le moment où le personne suicidaire est en train de virer vers la prise de décision et du passage à l’acte. Quand au lien du suicide avec le chômage, cela s’est imposé comme une réalité au vu des données statistiques aux quelles nous avons eu accès et qui démontrent sans équivoque, une corrélation étroite entre les deux phénomènes, bien que, comme nous le disons dans l’ouvrage, le chômage ne peut en aucun cas, expliquer à lui tout seul le suicide.
T.N. : Comment vous êtes-vous prise pour aborder ce sujet et parvenir aux réponses à vos questions ?
D.R. : Notre ouvrage s’appuie sur une étude scientifique rigoureuse à l’aide de plusieurs outils d’exploration psychologique, entreprise auprès de nombreux suicidants, des rescapés, en quelque sorte.
Cette approche nous a permis d’identifier une sorte de profil type du jeune tunisien chômeur susceptible de passer à l’acte, et qui mériterait, de ce fait, un meilleur suivi et un soutien rapproché. Comme çà nous a permis d’individualiser les meilleures stratégies de défenses aussi bien individuelles que collectives mises en œuvre par des sujets dans des situations semblables, pour éviter le pire. Une sorte d’arsenal défensif psychologique et social, important à connaitre, pour prémunir notre jeunesse contre cette tentation morbide.
T.N. : Que pensez-vous de la stratégie nationale mise en place par l‘Etat pour contrer ce fléau, comme vous le qualifiez ?
D.R. : La prévention et la lutte contre le suicide qui s’est transformé en phénomène de société, ne peut en aucun cas, être le rôle d’un seul département, ni de l’Etat tout seul. Autant le phénomène est multifactoriel, autant sa prise en charge et son abord gagneraient à être multidisciplinaires, où chacun a son rôle à jouer, et où tous les efforts doivent se conjuguer pour espérer arrêter ce flot incessant de catastrophes.
Je voudrais profiter de cet entretien pour mettre l’accent sur le rôle primordial des médias dans la lutte contre ce mal, en invitant les professionnels à se poser des questions sur la meilleure façon de traiter ce sujet, sans tomber dans le voyeurisme, sans faire des pauvres victimes de ce phénomènes des « héros » que d’aucuns seraient tentés d’imiter, mais sans, non plus, basculer, à l’opposé, dans l’indifférence et le black out total envers le phénomène.
T.N. : Cet ouvrage que vous avez édité va, donc, constituer un premier pas, très important pour comprendre ce phénomène du suicide. Il sera, donc, utile qu’il soit mis à la disposition du grand public, qui va pouvoir profiter de ses enseignements.
D.R. : Ce livre est déjà en vente dans les bac des grandes librairies de la capitale et des grandes villes. Il va, même, être diffusé dans les pays du Maghreb et certains pays d’Europe.
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